Il était une fois PORT GRIMAUD...
Les objectifs architecturaux :
Pour créer SON village, destiné avant tout aux amoureux de la mer, François SPOERRY devait aller à l'encontre des constructions modernes de l'époque qui privilégiaient le Vertical (tours et ouvrages de béton et de verre): Il choisit la ligne horizontale !...
Architecture méditerranéenne :La cité lacustre devait s'intégrer parfaitement au paysage méditerranéen en respectant le style provençal, propre aux villages alentours. François SPOERRY eut la révélation de l'architecture douce lors de 2 voyages en Grèce durant son adolescence et juste avant d'entrer aux Beaux Arts. Puis en 1939, il fut chargé par le ministre de l'Education Nationale de l'époque, M. Jean ZAY, d'inventorier les principaux éléments caractéristiques des architectures populaires locales de l'Italie à la Grèce. Cette mission se termina précipitamment par la déclaration de guerre et le naufrage du voilier de l'architecte avec toutes ses notes, croquis et relevés. Néanmoins cette mission permit à François SPOERRY de se familiariser avec cette architecture méditerranéenne, d'en découvrir sa richesse, sa simplicité, son soucis du détail, sa facilité à s'intégrer aux différents reliefs, à s'adapter au climat, en disposant les ruelles suivant les vents ou le soleil... Pour créer sa cité lacustre, il voulut prendre ce qu'il y avait de meilleur en Provence et sur le pourtour méditerranéen afin que son village donne l'impression première d'un vieux (faux) village.
"Le coté italien, c'est le coté sophistiqué. Dans un village, vous avez toujours la maison du notaire" (F. SPOERRY) Les règles à respecter :Ces esquisses et ce travail de recherche sur le terrain permirent à l'architecte d'élaborer les premières maquettes de son projet qui devaient respecter certaines règles: - Les habitations devaient être toutes différentes les unes des autres, par leur coloris pastels et ocres, sélectionné dans un panels de 14, avec parfois, des parois en pierres locales apparentes. Un décrochement habile des toits, la diversité des volumes et des ruelles aux tracés fantasques accentueraient encore le refus de toute uniformité. "Dans une architecture, ce sont les vides qui comptent" (disait F. SPOERRY) c'est à dire la proportion entre la hauteur des maisons et la largeur des canaux, des rues et des places... - La hauteur des bâtisses ne devait pas dépasser 3 étages, pour ne pas écraser le bord de mer... L'architecte s'impose de respecter la règle des 30 pour 100 ( à 30 m du rivage, une maison ne doit pas dépasser 10 m de haut) pour obtenir un effet harmonieux. - Les canaux devaient avoir une largeur supérieure à 60 m ( sauf le canal du Nord, au coeur de la cité) et une profondeur de 3 m pour accueillir tous types de bateaux de plaisance... - L'usage de la tuile creuse dite à la romaine', patinée, s'imposait ainsi que les génoises courant au bord des toits. - Chaque maison devait être desservie à la fois par un accès terrestre et par un quai pour amarrer son bateau, avec un jardinet situé de préférence côté rue, mais aussi côté canal, agrémentant le village d'espaces verts indispensables. - Il fallait limiter soigneusement la circulation automobile dans la cité, un vaste parking à l'entrée du village devant accueillir les voitures des visiteurs qui ne pourraient accéder dans le village qu'à pied... " Il serait important de ne pas dénaturer le caractère lacustre de Port Grimaud et de préserver sa tranquillité de toute l'agitation dont souffrent les villes modernes..." écrivait François SPOERRY
Dessins de François Spoerry: Ci-dessus, coté canal et ci-dessous, coté rue... avec un cheval (ou un ane) attendant son maitre !
François SPOERRY justifie ainsi ses choix :"Chaque région a son vocabulaire, et le bassin de la Méditerranée a le sien, qui est le fruit d'une longue tradition pétrie de chaleur et de soleil, exprimée spontanément par des gens qui, de génération en génération, se sont transmis des recettes et que l'architecture avec un grand'A' n'influençait que de loin et à retardement. En fait ces artisans faisaient de l'architecture sans le savoir et sans règle, sans nombre d'or, créaient une harmonie totale que l'on recherche aujourd'hui et dans laquelle nous vivons heureux... C'est ce vocabulaire, dont chaque élément est banal en lui même, que j'ai voulu retrouver et utiliser pour Port Grimaud, comme s'il s'était construit spontanément, sans tenir compte de la révolution architecturale des années 20 et suivantes. Ce village qui devait s'intégrer pleinement au paysage, j'ai senti qu'il fallait le composer non pas en plagiant ou en adoptant un style provençal modernisé, mais en recherchant des éléments propres à l'architecture spontanée de la Méditerranée, afin de retrouver le charme des villes du bord de mer...J'ai préféré conserver le fond et tout un arsenal de formes également traditionnelles qui me permettent de composer en conservant une grande unité générale et en diversifiant à l'infini dans le détail." Les vieux villages cumulent les accidents, les fantaisies, les détails insolites. L'obsession de la diversité a incité l'architecte à se référer au passé plutôt qu'aux simplicités monotones et lisses de l'architecture moderne... Maquette d'une première étude de Port Grimaud et esquisse :" Le mode de construction choisi permet de jouer sur la pente des toits, la composition des façades, leur orientation, les courbes à peine perceptibles qui donnent au soleil la possibilité d'effleurer le mur, de "l'allumer"; ce sont des détails, souvent imprévus pour le promeneur, qui donnent du charme à une ville. Ce vocabulaire architectural s'est modifié et enrichi d'une tranche à l'autre, tout comme le ferait une ville se construisant petit à petit d'elle même... " François SPOERRY
Quelques détails intéressants :
Maquette de la place de l'Eglise. A noter la forme de l'Hôtel du Port avec une vaste terrasse sur le toit qui n'a pas été retenue dans le projet final...
Le casse-tête initial de l'architecte :Il fallait accueillir tout type de bateau devant les maisons, dont des voiliers avec leur haut mat, qui ne pouvaient pas, bien entendu, passer sous les ponts. Il fallait donc prévoir que chaque maison puisse être atteinte par les canaux sans passer sous le moindre édifice. Si un pont permettait l'accès terrestre à une île, il fallait que cette dernière reste accessible des canaux sans obstacle... Ce problème fut rapidement résolu en construisant la cité lacustre un peu comme les doigts (un peu crochus !!!) d'une main. tous reliés au corps donc à la terre, et l'espace entre chacun d'entre eux représentant l'eau... Sur ce plan , Port Grimaud est coloré en vert et l'eau en bleu: On voit comment le problème a été résolu. Aucun pont ne vient gêner l'accès aux maisons. Autre maquette de Port Grimaud. La sortie du plan d'eau était toujours sur la rivière et l'Iles Aux Pins se prolongeait par une petite île ronde, couverte et bordée d'amarrages pour annexes ... Une piscine en 'haricot' devait se trouver devant cette petite île. Le projet final n'a pas retenu ces 2 éléments. La petite île était en fait un projet de boite de nuit ! Bernard, le fils de Monsieur Spoerry, adolescent, se rendait parfois, le soir avec ses amis, en boite de nuit à Sainte Maxime avec le "Neptune" du papa. Mais un soir, Bernard accrocha un ponton et abîma le bateau... L'architecte décida donc de créer une Boite de Nuit à Port Grimaud afin de retenir la jeunesse et éviter d'autres éventuels accidents ! D'où cette petite île sur la maquette...
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