Les difficultés étaient surtout d'ordre administratif, comme la présence sur le terrain de deux silos à sable abandonnés, mais classés comme amers (repère pour la navigation), par l'administration maritime qui gela le dossier, avant de s'apercevoir qu'une Eglise, visible de très loin, était prévue dans le projet de Port Grimaud..."
Conseiller technique du Ministre de la CONSTRUCTION: C'est pour beaucoup, grâce à ce conseiller compétent et enthousiaste, que François SPOERRY a pu faire connaître son projet de cité lacustre en Haut lieu et obtenir, après bien des déboires, le permis de construire.
Le terrain
La stabilité du terrain était primordiale: Port Grimaud n'est pas Venise. L'architecte a choisi de construire sur la terre, puis d'amener la mer par les canaux consolidés pour éviter toute pollution de la nappe phréatique...
Le sol était composé essentiellement de sable, merveilleux matériau de fondation... Pendant 3 ans, François SPOERRY, aidé d'une équipe dynamique, travailla sur sa planche à dessin pour élaborer les plans de sa future cité lacustre. La stratégie de l'entreprise BTM, choisie grâce à sa réputation pour mener à bien ce chantier exceptionnel, se résumait ainsi:
- Délimiter les futures presqu'îles, puis les emprisonner dans une muraille d'acier afin de stabiliser la terre.
- Creuser des canaux au ras de la muraille d'acier et récupérer les matériaux de déblai pour surélever les îles et presqu'îles...
Georges GIRAUD, patron du BTM raconte: "Sur le terrain, il fallut faire en premier lieu, une reconnaissance générale du sol au pénétromètre, suivant un maillage extrêmement serré de 10 m. en 10m... Parallèlement nous avons exécuté des forages avec prélèvements d'échantillons pour déterminer les caractéristiques physiques et mécaniques du sol, ainsi que le type de fondation à envisager... îlot par îlot et parfois maison par maison (Pour ces dernières, une demi-douzaine de techniques différentes furent retenues !)...
Ainsi le terrain de Port Grimaud se composait d'une couche superficielle de vase, sous laquelle on trouvait du sable plus ou moins fin. Il fallut donc éliminer la vase puis compacter le sable sous-jacent en lui incorporant de place en place, des pieux de béton de 40 á 60 cm de diamètre, ce qui augmentait considérablement le pouvoir portant du sol..."
Les 2 silos qui freinèrent l'obtention du permis de construire...
Installation des palplanches qui vont délimiter les ilôts (voir page suivante)
- Comme le chantier devait s'étaler sur plusieurs années, il fallait planifier les travaux tranche par tranche de telle sorte que les premiers résidents puissent naviguer et amarrer leur bateau (droit inclus dans le prix de la maison), et que le chantier qui s'effectuait sur la terre ferme, ne soit pas gêner par une mise en eau partielle... Il fut donc décidé de partir du rivage pour progresser vers l'intérieur, les premiers acheteurs n'étant jamais coupés de leur plage et de la vue sur le large par les chantiers venant s'interposer en écran entre les maisons et les plans d'eau...
- Des galeries techniques nécessaires au confort et aux communications, électricité, gaz, égouts, eaux pluviales, télévision et téléphone, allaient sillonner le sous-sol du village. Le problème majeur étant l'évacuation des égouts dont les tuyauteries devaient être insérer dans les ponts: il fallut prévoir des pompes de relevage judicieusement placées pour éviter tout engorgement et nuisances.
Une antenne de télévision collective était prévue à l'extérieur de la cité. Depuis elle à été remplacée par des paraboles afin d'offrir aux résidents des chaînes étrangères. D'immenses cuves de gaz, placées également à l'extérieur du village devaient alimenter chaque maison et appartement.
- Les premières maquettes prévoyaient une sortie maritime des canaux par la rivière voisine La Giscle. Mais très vite l'architecte préféra une sortie directe sur la mer, plus rapide et moins contraignante ( La Giscle est une rivière plutôt capricieuse). Ainsi, le plan d'eau se rattachait au domaine maritime, les quais restaient privatifs contrairement aux amarrages pour lesquels il fallut négocier des contrats d'amodiation (location à long terme) avec les "autorités de tutelle".
Ces pilotis de béton pouvaient atteindre jusqu'à 9 m de profondeur (sous l'Église)...
Photo aérienne du chantier prise le 24 novembre 1966
Autres difficultés :
1- Le chantier venait à peine de commencer qu'un décret parut, interdisant de construire à moins de 50 m du rivage... D'où l'obligation de reculer les premières maisons de 25 m !!! Or le plan-masse avait été établi pour que les bosses du terrains coïncident avec la construction des presqu'îles et les creux avec les canaux... Il fallut donc draguer les bosses et remblayer les creux !!!
2- Problème de régularisation du cours de la Gicle et aménagement de cette rivière capricieuse.
3- Alimentation en eau potable.
4- Adapter les possibilités offertes par les techniques modernes à l'idée, au style de PORT-GRIMAUD: donner un aspect artisanal, "fait main" à la construction des quais, des trottoirs, des maisons, ..., avec des méthodes et des matériaux modernes.
5- Respect du planning des travaux pour que les différents corps de métier ne se gênent pas sur le chantier.
Installation des palplanches qui vont délimiter les ilôts (voir page suivante)
6- Comme le chantier devait s'étaler sur plusieurs années, il fallait planifier les travaux tranche par tranche de telle sorte que les premiers résidents puissent naviguer et amarrer leur bateau (droit inclus dans le prix de la maison), et que le chantier qui s'effectuait sur la terre ferme, ne soit pas gêner par une mise en eau partielle... Il fut donc décidé de partir du rivage pour progresser vers l'intérieur, les premiers acheteurs n'étant jamais coupés de leur plage et de la vue sur le large par les chantiers venant s'interposer en écran entre les maisons et les plans d'eau...
7- Des galeries techniques nécessaires au confort et aux communications, électricité, gaz, égouts, eaux pluviales, télévision et téléphone, allaient sillonner le sous-sol du village. Le problème majeur étant l'évacuation des égouts dont les tuyauteries devaient être insérer dans les ponts: il fallut prévoir des pompes de relevage judicieusement placées pour éviter tout engorgement et nuisances.
Une antenne de télévision collective était prévue à l'extérieur de la cité. Depuis elle à été remplacée par des paraboles afin d'offrir aux résidents des chaînes étrangères. D'immenses cuves de gaz, placées également à l'extérieur du village devaient alimenter chaque maison et appartement.
8- Les premières maquettes prévoyaient une sortie maritime des canaux par la rivière voisine La Giscle. Mais très vite l'architecte préféra une sortie directe sur la mer, plus rapide et moins contraignante ( La Giscle est une rivière plutôt capricieuse). Ainsi, le plan d'eau se rattachait au domaine maritime, les quais restaient privatifs contrairement aux amarrages pour lesquels il fallut négocier des contrats d'amodiation (location à long terme) avec les "autorités de tutelle".
Construction de PORT GRIMAUD en décembre 1966
Hydrologie :
Créer une cité lacustre obligeait l'architecte à avoir une maîtrise totale sur l'hydrologie du futur plan d'eau d'une superficie de 13 ha environ, constitué de plusieurs bassins réunis par des canaux de différentes largeurs.
François SPOERRY se rapprocha du "CENTRE d'ETUDES et de RECHERCHES de BIOLOGIE et d'OCEANOGRAPHIE MEDICALE" de Nice afin que cet organisme fasse une étude précise des conditions hydrologiques du futur plan d'eau...
Cette étude prévoyait une alimentation artificielle du plan d'eau modérée de 30m3/h. pour éliminer les zones d'eaux mortes... C'était le rôle des moulins à vent (lire plus loin) qui devaient être implantés sur la plage...
Oppositions au projet :
La construction de Port Grimaud avaient quelques opposants qui n'hésitèrent pas à souiller bâtiments et panneaux de signalisation.
Quelques anciens grimaudois ne voyaient pas d'un bon oeil la création de cette cité lacustre qui détruisait leur plage où, enfants, ils venaient se baigner.
L'ancien Maire de Grimaud, racontait cette anecdote, très significative sur la pensée 'hostile' d'une partie de la population, à un journaliste de Var Matin en 1967 :
" En avril dernier, un club du troisième âge de Grimaud a été invité à visiter Port-Grimaud. On leur a montré des maisons qui valent des millions et on leur a offert un bon goûter. Moi, ça m'a fait penser aux seigneurs de Grimaud qui, autrefois, invitaient les villageois une fois l'an à visiter leur château..."
Heureusement, avec le temps et la réussite architecturale de la cité lacustre, la rancoeur de ces quelques villageois s'est estompée...
Inondations :
Dès le premier hiver, en 1966, les inondations perturbèrent les travaux qui, subitement, se retrouvaient envahis par les eaux de la rivière voisine en crue.
Hiver glacial :
Une année plus tard...
... Les travaux bien avancés, ce fut le froid qui s'abattit sur la cité, perturbant les travaux en cours avec de la neige abondante et des canaux gelés...
Succes assuré
Malgré toutes ces difficultés, PORT GRIMAUD, une fois sortie de terre, eut un immense succès comme le confirme cette article de VAR MATIN paru fin 1967.
Bernard MOITESSIER
L'année 1966 fut marquée par l'exploit du navigateur Bernard MOITESSIER qui, "décrocha" le record de la plus longue traversée à la voile et sans escale: Accompagné de sa femme Françoise, Il parcourut 14 216 milles, en 126 jours, entre Tahiti et Alicante (Espagne).
Il raconta ce voyage dans un livre "CAP HORN à la voile" qui le rendit célèbre et fut gratifié, au Salon Nautique de Paris, en janvier 1967, du "Neptune d'Or", de la "Blue Water Médal", plus haute distinction du yachting américain et de la "Wren Medal", distinction prestigieuse britannique.
La construction de Port Grimaud avançait vivement et François SPOERRY, qui cherchait à "promotionner" son village lacustre eu l'idée d'offrir à Bernard MOITESSIER une maison avec son quai à la seule condition que le prochain départ du navigateur, devenu célèbre, se fasse de PORT GRIMAUD...
L'impact publicitaire aurait été grandiose!
Malheureusement pour l'architecte, Bernard MOITESSIER n'accepta pas cette proposition, afin dit-il de "préserver sa liberté"... Pour la GOLDEN GLOBE, 1er tour du monde en solitaire et sans escale, Il partira de Toulon pour gagner Plymouth et s'engager dans cette course qu'il aurait du facilement gagner. Mais seul en tête, après avoir passer le Cap Horn, il ne regagna pas l'Europe et préféra continuer. Il fit parvenir un message aux organisateurs de la course pour leur dire:
"Je continue sans escale vers les îles du Pacifique parce que je suis heureux en mer et, peut être aussi, pour sauver mon âme".
Il ne gagna pas la Golden Globe mais pulvérisa le record de la plus longue traversée en solitaire sans escale, avec quelque 37 455 milles parcourus, soit 69 367 kilomètres, un tour du monde et demi...
Port Grimaud n'eut heureusement pas besoin de la notoriété du navigateur pour connaître un véritable succès...
Source: "MOITESSIER, le long sillage d'un homme libre" de Jean Michel BARRAULT paru aux éditions Arthaud (Flammarion)
Camping voisin
Le camping voisin de la future cité lacustre, "Les Prairies de la Mer"... Beaucoup plus petit qu'aujourd'hui et sans les aménagements qui en ont fait un "Hotel de plein air" luxueux...
Le chantier de Port grimaud n'a pas commencé et la plage s'étire devant le futur emplacement.
Il aura fallu cinq années d'études précises, pour mesurer la hauteur des maisons, leurs couleurs ocres roses sables ou pastels, les ouvertures des fenêtres , balcons et portes afin de donner un rythme particulier aux façades, calculer la pente des toits avec leur tuiles, leur différentes génoises, évaluer la largeur des rues et des canaux pour visualiser l'échappée de leurs perspectives. Cinq ans et des milliers de problèmes rencontrés et résolus pour arriver enfin comme par miracle, à la construction d'une cité lacustre qui défie les siècles...