La commerçante la plus ancienne de la Cité lacustre
Madame Mabileau a traversé les ans dans sa boutique 'Le Cagibi' qui déménagea 3 fois, suivant ainsi l'extension de Port Grimaud... Le ROSE était SA couleur ! Ses vêtements, ses chapeaux,sa maison, jusqu'à toutes ses voitures qu'elle faisait repeindre...
Le 22 décembre 1967, Madame MABILEAU, ouvrait son premier magasin de décoration dans la Grand Rue.
Arrivée quelques mois auparavant aux 'Prairies de la Mer' avec ses 2 filles, sans beaucoup d'argent mais avec une volonté acharnée de s'en 'sortir', elle commença par faire les ménages dans les bars du camping ou elles habitaient sous une simple toile de tente ( années galères ), puis dans les locaux en algeco du Cabinet de François Spoerry, place des 6 Canons.
Grâce à l'architecte au grand coeur qui l'encouragea et à de nombreux amis qui l'aidèrent financièrement, elle put ouvrir sa première boutique dans la Grand'Rue qu'elle nomma déjà 'le Cagibi Décoration'.
3 ans plus tard, la place du Marché sortie de terre, elle déménagea pour ouvrir son 'Cagibi' à côté de la pharmacie, puis définitivement place des Artisans 1 an plus tard.
Destin étrange pour ce petit bout de femme qui n'a jamais baissé les bras, même dans les moments les plus durs. Vie exemplaire d'une travailleuse hors norme qui malgré son grand age, ouvrait chaque jour sa petite échoppe, recevant visite sur visite de tous les résidents et personnels de la cité lacustre et des propriétaires de passage qui ne manquent jamais l'occasion de lui faire un petit 'coucou' amical.
Madame MABILEAU que l'on a surnommé 'Bilou' a dû surmonter de dures épreuves : la disparition de sa fille en 2005, après une longue et douloureuse maladie. Sa propre hospitalisation fin 2006 / début 2007... Mais à chaque fois, elle surmonta ses peines et douleurs pour revenir dans cet univers qui a été le sien depuis la naissance de Port Grimaud, sa petite boutique où elle se sent bien.
Bilou, qui a vu naître et grandir la cité lacustre, qui a meublé et décoré des dizaines et des dizaines de maisons et appartements, qui a connu tous les premiers propriétaires, qui a tissé des liens d'amitié très forts avec ces heureux résidents, qui a vu croître leur enfants, était devenue, au fil du temps, une vraie encyclopédie pour PORT GRIMAUD, connaissant toutes les histoires ou anecdotes qui font 'la vie' d'un village...
Le tout premier 'Cagibi', dans la Grand'Rue en 1968.
Le dernier Cagibi, place des Artisans, avec la voiture rose!..
Le Mercredi 18 décembre 2013 la petite Bilou est montée à Paris. Oh, pas pour faire du shopping malheureusement, mais pour accompagner sa fille dans son dernier voyage au Père Lacheze... Caroline avait 54 ans, une santé de fer, vive, énergique, toujours pressée en bonne parisienne. Et puis en novembre 2013, une douleur au ventre, des analyses, et une conclusion sans espoir: cancer du foie et du pancréas. Sa soeur était morte de la même maladie 6 ans plus tôt, au même age !
La petite Bilou dont nous avions fêté les 89 ans en été 2013, se retrouva seule, ne comprenant pas pourquoi le mauvais sort s'est abattu une nouvelle fois sur elle. Nous non plus...
Bilou depuis vivait dans la tristesse, sans vraiment d'énergie, aigrie...
Elle semblait attendre, attendre, attendre...
Caroline est debout à coté de sa maman sur la photo...
Malgré tous les malheurs qui l'ont frappée durant sa longue vie, malgré les douleurs journalières qui l'handicapèrent dans ses déplacements, malgré la solitude, malgré les 'coups de blues' qui lui ont fait souvent monter les larmes aux yeux, la petite Bilou continua à affronter chaque jour qui passait avec une énergie et une détermination assez incroyable...
Bilou a fêté ses 90 printemps le lundi 28 juillet. Chloé SPOERRY, sa petite fille et petite fille de l'architecte François SPOERRY, beaucoup de portgrimaudois, d'amis et bien entendu notre Maire, Alain BENEDETTO, étaient venus lui rendre visite pour partager le verre de l'amitié et le gâteau d'anniversaire...
Avec Michele de l'Administration et Jean Claude Bonnet des Coches d'eau...
Avec Anne Kiss, ancienne pharmacienne de la cité lacustre et conseillère municipale...
Avec ses voisins, un sympathique couple qui veillait sur elle quand il résidait à Port Grimaud...
2 générations, une vie accomplie et une vie va s'accomplir...
Le Maire Alain Benedetto ne ratait aucun de ses anniversaires...
« Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » : ( Extrait de « Amkoullel, l’enfant Peul » de Amadou Hampâté Bâ - écrivain et ethnologue malien 1900-1991 - )
" A quoi bon continuer à vivre quand la tête est lucide mais le corps usé, fatigué, laminé, ne cesse de faire souffrir, de torturer ?
La petite Bilou a décidé ce vendredi 31 octobre 2014, de fermer ses yeux pour toujours...
"Aujourd'hui s'achève une longue et belle amitié, née il y a de nombreuses années, quand j'ai monté mon exposition sur l'historique de Port Grimaud. Ma petite Bilou a été une vraie mémoire vivante des débuts de la cité lacustre, ayant 'préservé' de nombreux documents qui m'ont été d'une indispensable utilité.
Et depuis, j'avais pris un plaisir immense à la retrouver presque chaque jour, soit dans sa boutique à attendre le client tout en discutant et riant, soit chez elle, le soir, devant un verre de son vin préféré.
Elle avait parfois un caractère de cochon, mais je l'aimais comme cela, parfois joyeuse, parfois cruelle...
Ma petite Bilou, c'était comme une seconde MERE, une soeur de coeur, une petite fée complice et malicieuse, une amie très chère. Et j'ai le sentiment qu'une partie joyeuse de ma vie vient de s'écrouler...
Chaque matin, quand le jour se lève sur ma cité lacustre et que le ciel se colore de multiples nuances de rose pour annoncer l'arrivée du soleil, je veux dorénavant croire que c'est vous, petite Bilou, qui avez été chargée en HAUT LIEU, de peindre ce firmament de votre couleur préférée, le rose...
Je ne raterai plus jamais un lever du jour. Ce sera comme si vous et moi nous continuions à nous rencontrer...
parce qu'une belle amitié ne meure jamais!"
(Yves LHERMITTE
La dernière photo de Bilou prise quelques jours avant qu'elle nous quitte...